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L’évaluation selon la pédagogie de l'intégration


(Xavier Roegiers)
Pour introduire la problématique de l'évaluation des compétences des élèves, partons d'une petite étude de cas. Lors une épreuve d'évaluation, on soumet à quatre élèves un dialogue à compléter. Les répliques d'un des deux interlocuteurs sont données, celles de l'autre sont à compléter par les élèves, à un endroit marqué par des pointillés. Quatre élèves ont effectué les productions suivantes :
- le premier a répondu en un français correct, sans faute d'orthographe, mais sa production ne respecte pas les répliques données ;
- le deuxième fournit une réponse adéquate aux phrases du dialogue, des phrases bien structurées, mais avec une foule de fautes d'orthographe ;
- le troisième a également une réponse adéquate aux répliques données, sans aucune faute d'orthographe, mais les phrases ne sont pas bien formées ;
- le quatrième n'écrit pas les répliques à l'endroit des pointillés ; en revanche, il produit un texte dans lequel, en langage indirect, il reconstitue tout le dialogue dans un français impeccable.
Lorsqu'on interroge les enseignants sur la note qu'ils attribueraient à ces quatre élèves, c'est pour le quatrième élève que les notes varient le plus — entre 0 et 10 sur dix, ce qui est témoin d'un malaise —, mais c'est également pour celui-là que les notes sont globalement les plus faibles. Or, quand on leur demande auquel de ces quatre élèves ils confieraient des tâches qui requièrent la maîtrise de la langue, c'est le quatrième que tous désignent. C'est donc au plus compétent en langue qu'ils attribuent le moins de points. Ceci illustre le fossé qui existe entre l'école et la société, avec ses attentes : lorsqu'ils évaluent, les enseignants accordent plus d'importance à des aspects scolaires de la production (l'élève a-t-il exécuté ce qui lui est demandé), qu'à la compétence de l'élève. Ce n'est pas naturel pour eux d'évaluer les compétences des élèves.
L'approche par les compétences vise à remédier à ce déficit, lourd de conséquences pour la société toute entière. Comment ? En soumettant de manière régulière à l'élève des situations complexes, dans lesquelles il a l'occasion de mobiliser les savoirs, les savoir-faire, les savoir-être qu'il a appris à l'école. En procédant de la sorte, on estime que, tout comme c'est en forgeant qu'on devient forgeron, c'est en résolvant des situations complexes 
que 
l'on devient compétent.
Cela fonctionne assez bien sur le plan des apprentissages, à condition que le dispositif pédagogique de 

l'enseignant permette aux élèves de travailler en tout petits groupes à certains moment, mais seuls aussi à d'autres moments, parce que c'est seuls qu'ils devront devenir compétents.
Sur le plan de l'évaluation se pose une question importante : peut-on évaluer la compétence de l'élève ? Il était facile de leur soumettre une liste de questions sur des savoirs (restitution) et sur des savoir-faire (applications), mais évaluer leur compétence réelle, est-ce possible ?
La réponse est oui, à certaines conditions.
• Tout d'abord, les compétences doivent être rédigées de manière à pouvoir être évaluées. Par exemple, formuler une compétence sous la forme « respecter son environnement » ne prête pas à l'évaluation, sauf si l'enseignant, se transformant en une mouche par un coup de baguette magique, pouvait suivre le moindre acte de chaque élève, en situation naturelle. L'école ne peut malheureusement pas se le permettre, sauf peut-être si les classes ont des effectifs très réduits (une dizaine ou une quinzaine d'élèves). si on veut évaluer cette compétence, il est nécessaire de la formuler de manière plus restrictive, moins riche sans doute, mais plus concrète, plus réaliste, comme par exemple « une situation-problème relative au respect de l'environnement étant donnée, analyser les causes, et proposer des solutions pour y remédier, en faisant appel aux notions étudiées au cours ». Une formulation à la fois complexe (l'élève doit traiter la complexité, sans la réduire), et concrète, donc évaluable.
• Ensuite, le nombre de compétences doit être limité : 2 ou 3 par discipline et par année constitue un maximum. Augmenter ce nombre présente un travers majeur : on risque de réduire la complexité, en découpant davantage les choses, et d'évaluer plus un savoir- faire limité qu'une compétence.
• Les épreuves d'évaluation doivent elles-mêmes être constituées de situations complexes qui sont le témoin de la compétence que l'on a définie. Trop souvent, des pratiques dites innovantes, basées sur des méthodes actives, débouchent sur des
évaluations traditionnelles, parce que l'enseignant ne sait pas comment faire autrement. Le bénéfice est réduit, quand on sait que les élèves et les enseignants adaptent en grande partie leurs comportements en fonction du 
type d'évaluation.
Bien sûr, les situations présentées à l'élève ne sont pas des situations naturelles, des situations vécues, mais des 

situations qui se rapprochent de situations réelles, comme par exemple une situation complexe qui repose sur quelques documents inédits (photos, illustrations, textes...) que l'élève doit traiter.
• Enfin, les épreuves d'évaluation doivent être rédigées de manière telle que l'évaluation que l'on fait des compétences des élèves soit une évaluation juste. Par exemple, si l'on ne proposait à l'élève qu'une seule occasion de vérifier sa maîtrise, on ne pourrait pas tirer des conclusions valables sur son degré de maîtrise de la compétence.
Ce sont les principes sur lesquels reposent la pédagogie de l'intégration, ou encore l'approche par les compétences de base2 (Roegiers 2000, 2e édition 2001).
1 Le critère, pierre angulaire de l'évaluation des
compétences
Qui dit situation complexe dit production de la part de l'élève : la solution à un problème, une création originale de sa part, des propositions qu'il émet etc. Cette production complexe doit être appréciée à travers un ensemble de points de vue : c'est là le rôle des critères, souvent appelés critères de correction.
1.1 La notion de critère
Un critère de correction est une qualité que doit respecter la production d'un élève : une production précise, une production cohérente, une production originale, etc.
Un critère est donc un point de vue selon lequel on se place pour apprécier une production. C'est un peu comme une paire de lunettes que l'on mettrait pour examiner une production : si on veut évaluer une production à travers plusieurs critères, on change chaque fois de paire de lunettes. Les différentes paires de lunettes sont choisies
Le terme « compétence de base » désigne une compétence qui doit être maîtrisée à un niveau pour passer au niveau supérieur.
de manière à ce que le regard soit le plus complet possible. si un élève exécute une performance sportive collective, on peut par exemple examiner cette performance sportive selon plusieurs points de vue : l'esprit d'équipe, la dextérité, l'élégance, le respect des règles, etc. Ce sont autant de paires de lunettes que l'on met.
1.2 Critère minimal et critère de perfectionnement
Pour comprendre le fonctionnement d'une évaluation des compétences, il est nécessaire de distinguer ce qu'est un critère minimal et un critère de perfectionnement.
Un critère minimal est un critère qui fait partie intégrante de la compétence, un critère requis pour déclarer l'élève compétent. Un critère de perfectionnement est un critère qui ne conditionne pas la maîtrise de la compétence. Par exemple, pour dire de façon minimale qu'une personne est compétente pour nager en piscine, il existe deux critères minimaux : un critère de mobilité (il faut se déplacer) et un critère d'équilibre (il ne faut pas couler). D'autres critères peuvent entrer en ligne de compte, mais ils sont moins importants : le critère de rapidité, d'élégance, de variété (des nages), etc. Ce sont des critères de perfectionnement.
Une tendance fréquente est celle de l'inflation du nombre de critères : comme on estime que tout est important, on gonfle la liste des critères. Or, il faut aussi éviter d'avoir trop de critères minimaux, parce qu'on risque d'être trop sévère. Pour déterminer si un critère est minimal, il faut se poser la question : " un élève qui échoue à ce critère, peut- il néanmoins être déclaré compétent ? ". Par exemple, un élève qui effectue une production excellente en histoire, mais qui fait plusieurs fautes d'orthographe, mérite certes de ne pas avoir le maximum, mais mérite-t-il d'échouer dans la compétence ?
Nous verrons plus loin qu'il existe d'autres raisons de limiter le nombre de critères de correction.
1.3 A partir de quand peut-on dire qu'un critère est maîtrisé ?
La maîtrise d'un critère, entre la photo souvenir et le mythe de l'élève parfait
La question de la maîtrise d'un critère est un point important, et délicat. Doit-on exiger qu'un critère soit vérifié une seule fois pour que sa maîtrise par l'élève soit actée ? on tomberait alors dans le travers de guetter la moindre occasion de voir l'élève maîtriser le critère, que l'on immortaliserait comme une photo souvenir, sans oser vérifier si la performance est due à un état de grâce passager, au hasard des circonstances, à un effet d'osmose, ou au contraire si elle s'installe dans le temps.
A l'inverse, pour qu'un critère soit déclaré atteint, l'élève doit-il en manifester la maîtrise à chaque occasion ? On tomberait alors dans le mythe de l'élève parfait, qui veut qu'un élève soit déclaré compétent lorsqu'il ne commet plus aucune erreur. Or, compétence n'est pas perfection. « Même le plus compétent commet des erreurs », dit- on. Quel est le grand joueur de football qui n'a jamais raté un penalty ? Quel est le grand cuisinier qui n'a jamais raté un plat ? L'école aurait-elle à ce point perdu la tête qu'elle ne permettrait pas à un élève en apprentissage ce qui est permis au plus grand spécialiste ?
Une formalisation souvent utile
Apprécier si un élève maîtrise un critère est une chose délicate. Il est des cas où point n'est besoin de formaliser : la connaissance qu'a l'enseignant de ses élèves suffit, grâce à l'expérience et/ou l'expertise acquise. Mais dans la plupart des cas, il est utile de formaliser les choses. La règle des 2/3, proposée par De Ketele (1996), et validée empiriquement, donne des réponses intéressantes à cette question.
La règle des 2/3 dit ceci : pour déclarer un élève compétent, chaque critère minimal doit être respecté. Et pour qu'un critère minimal soit déclaré comme respecté, il faut que, sur trois occasions indépendantes de vérifier le critère, l'élève atteste sa maîtrise dans deux occasions sur trois. Pour l'élaborateur d'épreuves d'évaluation, cela signifie qu'il doit fournir à l'élève trois occasions de vérifier chaque critère : trois situations-problèmes à résoudre en mathématiques (ou une situation unique, avec trois consignes indépendantes), trois phrases à produire en langue pour un élève débutant, etc.
Quels poids accorder aux critères de perfectionnement ?
Dans une optique de maîtrise des compétences, il est normal que le poids accordé aux critères de perfectionnement soit limité. En effet, un enjeu majeur est d'éviter les échecs abusifs. Pour cela, il faut garantir que les échecs soient dus à la non-maîtrise des critères minimaux — ceux qui traduisent véritablement la compétence —, et non à celle des critères de perfectionnement. De même, si on veut éviter les réussites abusives, il s'agit d'éviter qu'un élève puisse réussir grâce à sa maîtrise des critères de perfectionnement.
La « règle des 3/4 », introduite par De Ketele (1996) propose à ce sujet un garde-fou intéressant. Selon cette règle, les critères de perfectionnement ne devraient pas avoir un poids supérieur à un quart du total des points.

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